« Sur les traces des trottoirs de Marseille »

Un rien dégingandé, il promène son 1m98 dans les rues de Marseille, smartphone en main. Mais, ne vous y trompez pas, il n’est pas un promeneur comme les autres !

Son œil affuté guette, traque, capture des centaines de traces dont il fait des photocompositions d’un genre éclectique, toujours surprenant.

QUI SE CACHE SOUS CE PRENOM SLAVE DE WENCESLAS ?

Un jeune artiste « photocompositeur » de 65 ans, nommé Patrick-Wenceslas Brossollet.

Il signe ses œuvres de son deuxième prénom Wenceslas, rappelant ainsi ses racines slaves.

Sa maman était tchèque, native de Prague, capitale de la Bohème.

Cela fait de lui un Bohémien, en quelque sorte ! Il a eu la vocation de devenir architecte à 14 ans, après un voyage fondateur Istanbul-Athènes-Rome en 1967.

WENCESLAS A 10 ANS ALORS, ET DES REVES PLEIN LA TETE

Au sortir du Bac et du lycée Louis-le-Grand, environnement stimulant s’il en est, il est donc entré à l’École des Beaux-Arts de Paris, à 17 ans, en 1974.

Et c’est en 1975 qu’il a composé ses premiers collages photographiques : « sur les Toits de Paris » et « Ondulations cartonnées », les 2 œuvres qui ouvriront son exposition à l’Espace Jouenne, en juin prochain.

Il suit 8 années d’études d’architecture aux Beaux-arts, seule école qui met normalement 6 ans pour former des autodidactes.

Il fait Science Po Paris (section Service Public), puis, après en avoir été diplômé avec les Félicitations du Jury en 1979, un 3ème cycle à Sciences Po Urba.

Dans cette double formation, artistique et académique, l’art difficile de la synthèse est un devoir et un objectif : savoir condenser, qu’il s’agisse d’un projet architectural ou d’une dissertation, ce que l’esprit (intuition, mémoire ou lectures) et la main (stylo ou cutter) ont saisi du sujet à traiter.

QUELS SONT VOS DEBUTS PROFESSIONNELS  ?

Wenceslas crée en 1982 son agence d’architecture dans les Magasins Généraux du Bassin de la Villette, dénommée le GATE (Groupe Architecture Théâtre Environnement) avec Benoît Brasilier, son ami décédé il y a quelques semaines et avec lequel ils deviendront, l’année de leur diplôme d’architecte DPLG, Lauréats de la Biennale Mondiale d’Architecture de Sofia.

Ils partageront leur atelier au-dessus de l’eau, face à la Rotonde de Ledoux, avec le peintre Rémi Blanchard, l’un des 4 acteurs majeurs du mouvement pictural français des années 80, dénommé « la Figuration Libre », avec Di Rosa, Combas et Boisrond, avant que leur atelier et tout l’immeuble situé Quai de la Seine ne disparaisse à jamais dans les flammes d’un gigantesque incendie.

D’OU EST NEE VOTRE AME ARTISTIQUE ?

 Il l’a gardée tapie en lui. Il est tombé amoureux de la peinture dès son plus jeune âge, en accompagnant son père dans les galeries et dans les grandes expositions des musées parisiens.

PATRICK WENCESLAS peut rester 20 minutes devant un Rothko de la Fondation Thyssen-Bornemisza de Madrid, ému jusqu’aux larmes par la vibration de sa peinture. Et il peut aussi méditer un temps dans la chapelle de la Fondation Maeght, face au vitrail de Braque et au Christ en bois du XII siècle.

Il aime Dali, Matisse, Klee, Kandisky, Hopper, Warhol et tant d’autres qui provoquent en lui cette émotion unique que l’on ressent devant une œuvre géniale.

A QUEL MOMENT AVEZ-VOUS DECIDE DE VOUS LANCER DANS L’AVENTURE D’ETRE ARTISTE ?

Dès ses promenades muséales dans son enfance, qui ont d’ailleurs concrétisé sa vocation de devenir architecte à l’adolescence. Ses 40 années de carrière d’architecte-designer, par l’exigence créative qu’elles demandaient, l’ont toujours gardé au plus près de l’artistique, lui qui fut directeur de création pendant plus de 10 ans d’une des plus grandes agences internationales de design.

Bien au contraire, elles l’ont naturellement amené à devenir ce qu’il est aujourd’hui :

Un jeune artiste Photocompositeur de 65 ans !

EXPLIQUEZ-NOUS CE QU’EST UN PHOTOCOMPOSITEUR ?

COMMENT NAISSENT VOS ŒUVRES ?

La photo-composition, c’est un terme qu’il a réinventé et modernisé à sa manière.

L’artiste étant issu d’une famille d’éditeurs Maison Belin fondée en 1777.

Dans ses promenades, iPhone en main, il fixe son regard sur des éléments, a priori insignifiants, qui habitent les trottoirs de Marseille. Plaques d’égout, potelets de protection ou bordures de trottoirs, bouches d’incendie ou de gaz, grilles de ventilation, ombres de balcons, ou d’autres, plus nobles, tels que fontaines ou ornements d’édilité urbaine.

Ces traces sont comme les vecteurs potentiels de paysages abstraits à créer. Quand l’une de ces traces imprime soudainement ses rétines et l’impressionne par son sens caché qui se révèle à lui seul, il se penche en avant et se voûte, l’objectif bien droit, pour la fixer photographiquement comme un instantané de ses pas.

Dans un second temps, de retour à son atelier, vient le moment des étapes procédurales. Extraire les images, choisir les cadrages, les juxtaposer, les triturer, les recomposer en une sorte de collage qui donnera naissance à l’œuvre abstraite et à la poésie ressentie.

Cela peut prendre quelques heures comme des mois de réflexion, d’errance ou d’hésitation…

Il faut que surgisse l’œuvre de tout ce matériel composite. Là est la création, et donc l’artiste.

JUSTEMENT, COMMENT VIT-ON LE FAIT D’ÊTRE UN ARTISTE MODERNE ?

Avec enthousiasme et ambition, et plein de projets dans la tête, dont une exposition prévue à la rentrée à Paris et en 2023 une autre à Arles. Mais aussi avec humilité et distance, étant, comme chaque artiste, amoureux de ses œuvres, mais conscient des difficultés de se lancer sur le marché de l’art.

QU’ELLE EST VOTRE RAPPORT AUX VILLES ?

Wenceslas est un amoureux transi de Paris, sa ville capitale.

Monsieur Brossollet est aussi fan de Beyrouth, où il a commencé l’école à 3 ans.  De Madrid où il a passé ses années de collège. De New-York où il lui est arrivé des trucs dingues. D’Istanbul où sa grand-mère tchèque a habité près de 25 ans un yali au bord du Bosphore.  De Londres où il a vécu 3 ans au début des années 90 et où sa fille est née.

De Milan, ville qu’il trouve austère mais à l’énergie folle.  Et, enfin, Prague, sa ville de cœur où est née sa maman, et où il retourne chaque année, comme un pèlerinage du Bohémien qu’il est.

Il va y saluer chaque fois, sur le Pont Charles, la statue de Saint-Wenceslas, et prier devant le Petit-Jésus de Prague dont il porte, en permanence, une photo sur lui.

ET MARSEILLE ?

L’artiste adore Marseille, où il vit désormais depuis 2 ans et y revit artistiquement, grâce à son travail photographique, ses promenades quotidiennes et ses Photocompositions.

Quand il arrive au Vieux-Port dans l’après-midi, à 17h30 au printemps, comme ces jours-ci, la lumière y est éclatante, et il lui arrive de penser que c’est plus beau que la place de la Concorde !

AVEZ-VOUS D’AUTRES PASSIONS, EN MUSIQUE, LITTERATURE ?

Patrick Wenceslas adore la musique, en particulier celle des années 70 – 80.

Une époque où se conjuguaient en lui les sons des Stones et des Beatles, de Bowie, de King Crimson et de Pink Floyd.

Cet artiste fait un voyage de 16.000 km aux USA en 2 mois en 1977, dont la moitié en auto-stop.

Et c’est avec the Doors, Lou Reed, Frank Zappa, Grateful Dead ou Jefferson Airpane qu’il voyagera.

Wenceslas a aussi grandi baigné de musique classique, des oratorios de Monteverdi aux partitas de Bach, des opéras de Verdi, au génie de Mozart et aux arias de la Callas.

Concernant la littérature, c’est autre chose, il lit peu de romans même s’il a lu tout Houellebecq, plutôt des essais ou ouvrages politiques et dévore la presse quotidienne dont la Provence.

2 livres, cependant, ont marqué sa vie intellectuelle et spirituelle :

  • Des choses cachées depuis le commencement du monde (paru en 1978),
  • La Violence et le Sacré (paru en 1972).

Ces 2 ouvrages incroyables de René Girard où il a découvert ses théories, celle du Désir mimétique et celle du Bouc émissaire. Aussi et  tant d’autres choses qui habitent son esprit depuis 40 ans.

 

ET POUR CONCLURE, LE MOT DE LA FIN

« J’espère que vous découvrirez prochainement mes œuvres grâce à l’Espace Jouenne, et que vous serez nombreux à devenir un des collectionneurs de mes Photocompositions ».

 

L’exposition « TRACES » des trottoirs de Marseille

est à découvrir à l’Espace Jouenne

Au 41 Rue Montgrand 13006 Marseille

Du 9 au  11 Juin 2022 De 13 H A 19 H

A.A