Un bel homme fin, de grande taille, cheveux blancs, à l’allure sportive et dynamique.  Des yeux d’un bleu clair, trés expressifs qui vous inspirent tout de suite confiance.

Avec un charisme non dissimulé dès qu’il commence à parler de ses passions, ce grand écrivain nous transporte.

Alain Cadéo nous a donné envie de vous raconter son parcours et qu’il nous parle d’un peu plus près de ses écrits.

25 livres à son actif, des pièces de théâtre, des textes quotidiens dont certains fleurissent sur les sites et plus de 10 000 pages entassées dans 3 coffres de santal…

Tout commence …

Alain Cadéo a 70 ans mais depuis qu’il est en âge de mesurer le Temps il aime à dire en souriant qu’il a en réalité l’impression d’avoir 3 siècles d’histoire et d’aventures. Il nait à Marmande dans le Lot et Garonne à quelques encablures du méridien de Greenwich et près du quarante-cinquième parallèle Nord.

Il grandit avec son frère cadet Michel (devenu peintre) dans la ville de Bordeaux.

Alain ne se sent bien que dans la douce campagne vallonnée, entre Libourne et Langoiran, de ce beau Sud-Ouest où naquit et vécut un certain Michel Eyquem dit « Montaigne » pour qui  le doute intellectuel est un devoir.

Son père, de nationalité italienne, est disquaire, musicologue et fait des enregistrements pour la Deutsche Grammophon.

Toute son enfance sera bercée ainsi musicalement accompagnée par les plus grands virtuoses.

Sa mère, fille d’instituteur, dont la première fonction fut greffière au tribunal d’Agen, avait en réalité un vrai tempérament d’artiste.

Elle peignait, écrivait et fut sans doute celle qui encouragea ses fils à cultiver leur imaginaire.

C’est donc elle qui fut la première lectrice de petits textes de son fils écrits rien que pour elle dès l’âge de douze ans.

La mère de Goethe ne disait-elle pas elle-même que « la gloire des fils est l’ambition des mères ».

Entre temps…

 L’enfance et l’adolescence d’Alain seront partagées entre 11 années d’études chez les jésuites au collège de Tivoli.  Des vacances à la campagne, quelques séjours au bord de l’océan.  De longs étés au sein de la propriété familiale dans la province de Brescia, à quelques pas du lac d’Iseo. C’est ainsi qu’il eut par son père droit et accès à la double nationalité, Franco italienne.

Il obtiendra après son bac une maîtrise de Lettres Modernes et un diplôme d’études cinématographiques à l’université d’Aix-en-Provence.

« Un destin ne s’écrit qu’à la croisée de multiples et mystérieux chemins… » dira souvent l’auteur durant cette interview.

Il dit aussi « Que puis-je vous raconter d’autre, si ce n’est que mon parcours de vie  fut un rêve et qu’il dut se heurter en permanence à ce que la plupart nomment Réalité…

Tout ce qui m’attirait semblait porter le sigle infâmant et dédaigneux de l’inutile…

Béni des dieux, tout ce que je reçus dans mon enfance touchait au monde de l’esprit et mon entrée dans la matière fut aussi rude qu’un choc de météorite… »

On poursuit …

C’est ainsi qu’au sortir d’études de lettres ne pouvant conduire à rien de particulier, si ce n’est l’enseignement, il opta pour une vie un peu vagabonde et eut 18 métiers. Mais lors de ce long périple tel un Ulysse Alain eut toujours « l’écriture en bandoulière ».

Toutefois son goût pour l’art le conduisit à collecter des objets sortant de l’ordinaire et il en fit son métier. Marchand de curiosités, et passeur de rêves.  Alain trouva alors une voie entre collectionneurs originaux et objets étranges, qui ne pouvait qu’enrichir son expérience et par là-même sa propre écriture.

On continue…

Alain nous raconte comment il a rencontré Martine en 1985 qui deviendra son épouse. Elle était maire adjoint à la mairie du neuvième arrondissement de Marseille ».

Alain et son frère Michel étaient alors créateurs d’événements tels que la fête des vins de Bandol. Des expositions autour d’objets rares sur le thème : « Tour du Monde en 80 masques », bijoux, statuaire, peinture etc…

Ils organisèrent avec le grand collectionneur Jean-Yves Roux, leur ami, un immense spectacle sur le circuit Paul Ricard intitulé « fête de l’espace » autour d’objets en relation avec tout l’univers.

Ils obtiendront la collaboration de La Chrysalide, l’association humanitaire d’entraide sociale pour les handicapés mentaux et leurs familles.

Soutenus par France Inter, Jean-Yves Casgha rédacteur de temps X des regrettés frères Bogdanov et quelques scientifiques de renom.

Il leur fallut obtenir un certain nombre de structures, la scène faisant plus de 5 hectares et devant accueillir les Urban sax, le groupe Magma, le tout arrosé par un puissant feu d’artifices concocté par Pierre Alain Hubert.  C’est dans ce contexte un peu fou qu’ils sollicitèrent un certain nombre de sponsors et de mairies et c’est là qu’Alain prit rendez-vous avec Martine qui était alors aux affaires sociales.

Début de l’histoire

Après une brève entrevue où chacun jaugea l’autre, comme 2 mondes impossibles, l’un politique, l’autre poétique, les univers se rapprochèrent par le cœur.  Un mois après ils se rencontrèrent à nouveau et le miracle des destins recroisés, fit qu’ils se virent enfin, comme s’étant toujours connus, pour ne plus se quitter. Martine dira de leur seconde rencontre : « Ce fut comme un platane dans un éclair bleuté… »

Ouvrons un peu la porte sur la carrière d’Alain CADEO.

Lorsqu’on demande à Alain Cadéo quel métier vouliez-vous exercer jeune, il répondra :

« Entre 7 et 8 ans, je voulais être trappeur et mon héros était Davy Crockett ». Mais il lui fallut très vite comprendre qu’il n’était ni vraiment bricoleur ni capable de vider les entrailles du moindre lièvre et encore moins d’ôter la vie de quoi que ce soit de vivant. Ses seuls trophées de chasse devinrent très vite les pages tirées de son seul imaginaire ».

 Son premier job 

 Après avoir travaillé dans une cave viticole et fait les vendanges comme beaucoup d’étudiants, Alain Cadéo apprit à être bûcheron.  Puis il fut déménageur, camionneur, pianiste dans un bar, veilleur de nuit, brocanteur, avant de créer une boutique d’objets rares venant des 4 coins du monde.

Ensuite il devient professeur de lettres dans un collège à Cannes et 15 ans enseignant du BTS en communication à Toulon. Dans sa continuité professionnelle, il donne des conférences sur le thème littérature et philosophie à l’Université du temps libre.  Sans oublier qu’Alain exercera également, un travail d’éducateur au sein de la Chrysalide.

D’un geste vague il évoquera d’autres interventions littéraires à la prison des Baumettes.  Plus récemment, avec son frère, pendant 6 ans ils rendront visites aux malades en soins palliatifs à l’hôpital de La Seyne et de cette riche expérience ils en créeront un livre.

« Lettres en vie » publié aux éditions La Trace raconte cette expérience sous forme de courriers échangés entre patients, infirmiers, médecins, le tout  illustré par des peintures de Michel.

 L’expérience professionnelle

Pour son frère et lui, le bénévolat, la gratuité, furent sources de leurs véritables découvertes et probablement les seuls facteurs de leurs évolutions.

Vendre un objet de temps en temps c’était pouvoir écrire et peindre, tout en rajoutant carottes et navets avec un bout de lard dans leurs soupes quotidiennes.

 Les projets, et l’agenda d’Alain Cadéo

Son seul véritable projet serait d’écrire le livre dit « parfait ».  Celui guidé par une inspiration vivace, sans trucs ni ficelles, comme venu de ces puissants ailleurs que sont : inconscient et subconscient.

C’est ce que poursuivent toute leur vie les compositeurs et les peintres, c’est-à-dire « l’œuvre absolue ». Devenir le canal par lequel passe et se transmet toute l’immense émotion humaine, l’âme de l’œuvre.

 Souvenirs incroyables qui font partie d’Alain Cadéo 

Il venait d’écrire un roman intitulé « Le mangeur de peur ».

C’était en 1982, le livre venait de paraître publié par Tuong Letrieu, un être délicieux venu du monde de la publicité.

Ce texte, aimé ou détesté, avait reçu le prix de l’office régional de la culture. Quelques jours après sa parution, Alain reçut un appel téléphonique d’un homme à la voix jeune. Cette voix lui dira qu’à la lecture de ce livre sa vie avait été sauvée. Cet inconnu traversant une période très difficile était dépressif, voire suicidaire, et avait voulu mettre fin à ses jours.

Il ne sut jamais quel mot, quelle phrase, quel moment particulier tira cette personne de son désespoir. Toujours est-il, qu’il l’a rencontré bien des années plus tard, et que cet être a bien poursuivi son existence et sut dépasser ce grand moment de ténèbres qu’il a traversé.

Cela nous rappelle simplement à quel point nous sommes chacun responsables de L’Autre.

Alain dira dans un grand soupir « Écrire c’est aussi ça, semer de l’énergie quoi que l’on vive.  En faire un champ de blé, de tournesols ou de jonquilles.  Ou, et c’est trop souvent le cas, étaler sa propre noirceur et rendre aride la terre la plus fertile ».

 Sa plus belle expérience   

Martine attendait leur dernier enfant. Alain avait son bureau d’écriture sous la chambre de son épouse et écrivait la nuit. Plutôt que de rester 9 mois dans une sorte de maladroite attente, il décida d’écrire un livre. « Le ciel au ventre » qui serait un dialogue entre un père et un fœtus. Rebaptisée Liouma dans ce texte inédit, Martine deviendra la belle endormie.  Ce trio somnambulique, mère, père, enfant, se prêtera au jeu sacré des confidences, comme autant de murmures bercés dans l’océan amniotique de pensées croisées.

 La politique

Alain Cadéo a toujours dit qu’il n’avait que des engagements poétiques… ».

Ses passions

Pour Alain ses passions tout autant que ses loisirs tournent autour de l’écrit et des Mots.

« Je ne peux rien lister car dans chaque mot il y a un Monde aussi vaste qu’un territoire vierge… Et une vie ne suffit pas pour parcourir les vallées, les ravins, les montagnes, les steppes, les déserts, qui constituent le paysage de chaque humain ».

Ses loisirs sont essentiellement la marche, baguenauder, vagabonder. Il traversera les Alpes avec sa fille petite et un âne qu’ils baptisèrent Ferdinand.

Il nous dira que rien n’était plus doux que leurs nuits passées à la belle étoile, leurs têtes sur le ventre de l’âne couché qui ne bronchait pas, qui en ronronnait presque de plaisir.

Il fera aussi le tour du Péloponnèse à pied et d’autres régions d’Europe. Le tout à une époque pas si lointaine où les marcheurs étaient plutôt rares.

Ses livres

Sans hésiter il répond Don Quichotte de Cervantes, mais aussi La Bible puis rajoutera qu’il éprouve une tendresse particulière pour les écrivains russes.

On ne referme pas le livre d’une vie sans l’éblouissement procuré par ces étincelles qui jaillissent et reflètent plus qu’une existence  mais des myriades de vie.

Ses films  

Il évoquera Blade Runner ou pourquoi pas La Passion du Christ.

Notre écrivain nous dira avec ses mots :

« Lorsque je vois en strates la somme d’œuvres d’art couvrant le Monde j’éprouve une stimulante béatitude ou une sorte d’exaltation me permettant de repousser sans cesse toutes les formes de cruauté et autres incompréhensibles étroitesses d’esprit.

Que de recherches passionnées, que d’ingéniosité, que de courage aussi pour d’une manière ou d’une autre tenter de sublimer la condition humaine !  Et malgré cette joie, cette exquise façon d’aller plus loin toujours, il faut aussi continuer à se trainer l’irréductible poids d’une bêtise lancinante qui semble satisfaite de ne tourner qu’en rond.

Bienheureux soient les artistes de tout poil lançant leurs étincelles sur le lourd marécage de nos pulsions binaires ! Car il s’agit de travailler afin de nous extraire de cette boue originelle pour, c’est vrai, tenter de s’envoler vers une délivrance ayant le goût d’un air plus pur nous rapprochant d’une autre humanité ».

Qualités et défauts

Dans les deux cas c’est l’impatience. Exiger de soi le meilleur et ne pas supporter les états intermédiaires, le bain tiède d’une quelconque autosatisfaction dans lequel on se vautre parfois avec délice et soumission.

Des regrets 

La théorie d’Alain est simple : ce que nous n’avons pas vécu, d’autres « nous », sortes de clones vivant dans d’autres dimensions, eux le vivront pour nous.

Alain nous dira que la mort pour lui c’est de voir tous ces reflets comme un vitrail, un kaléidoscope dont chaque parcelle de verre coloré fait partie d’un grand Tout signifiant et révélé par la Lumière qui les traverse.

On poursuivra ce cheminement éclairé par une exposition Des objets et des mots aux sources du Sacré où Alain Cadèo présentera dans l’Espace Jouenne au 41 Rue Montgrand 13006 Marseille du jeudi 29 septembre au samedi 1 octobre 2022 sa collection privée de certains objets qu’il collectionne.

 

Et le mot de la fin

Posément, il nous répond qu’il n’y a pas de mot de la fin car les vrais Mots, le Verbe, non seulement nous précèdent mais poursuivent leur chemin comme un écho étourdissant ou même un murmure, une vibration qui, des origines ne cesse d’avancer, de tendre vers ce qu’un Père Teilhard de Chardin prêtre jésuite français, chercheur, paléontologue, théologien et philosophe nommait la Noosphère, sphère de la pensée humaine.

« Les vrais Mots nous poursuivent. Ils ouvrent d’invisibles sentiers, intemporels et délicieux pour nous qui sommes affamés de ce gâteau en strates innombrables que représente l’infini ».

En cela Alain rejoint humblement les plus grands qui comme lui ont ressenti et exprimé que les mots en savent plus que nous. Et comme disait le célèbre poète René Char : « les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux ».

Ainsi au-travers de ce portrait, Alain Cadeo nous dit son « mot de la Non-Fin ».