Le succès de Hold up le film viral sur les réseaux sociaux et plateformes du net en termes de communication est tout à fait intéressant. En effet, il révèle tant par la forme (le choix de YouTube) que par le fond une défiance envers tous les pouvoirs.

Et tout particulièrement le quatrième pouvoir, celui de la presse et des médias classiques.

L’idée de base de Hold up, c’est que tous les pouvoirs vous mentent, vous trompent et vous volent (d’où le titre du film). Cette défiance envers les media n’est pas nouvelle, elle existait déjà au XIXe siècle. C’est un des thèmes des Illusions Perdues de Balzac où l’on nous explique avec justesse que le lecteur d’un journal n’attend ni l’information objective ni la vérité d’un journal.

Il veut juste lire ce qui correspond à ses propres idées, à ses propres convictions.

Et finalement cette simple analyse nous explique fort bien la relation ambiguë entre la presse et les Gilets Jaunes, par exemple. Tant que BFM et les grands media nationaux mettaient en évidence l’importance numérique et le vacarme des Gilets Jaunes. Ces derniers faisaient tout pour passer devant la caméra et sur les plateaux. Ils avaient la sensation d’être visibles et d’avoir une tribune où s’exprimer. Mais sitôt que la même presse va mettre en évidence le côté obscur du mouvement on ne va plus le voir de la même façon.

  • les violences,
  • une contamination antisémite (attaque de Finkielkraut, dénonciation des Rothschild),
  • une dérive vers l’extrême droite (Philippot)
  • ou vers un populisme opportuniste (Bigard),
  • le mouvement va se retourner contre les media accusés de collusion et de mensonge (Fake News !).

Et à partir de cet instant quiconque cherchera à parler à ces mêmes médias ou exprimera sa réprobation face aux excès sera qualifié de traître, de collabo, d’ennemi à abattre (Bigard dans le rôle de l’arroseur arrosé, Levavasseur, Lalanne, Berléand).

Désormais, les seuls médias auxquels on se réfère n’en sont pas !

Ce sont Facebook, Twitter, Instagram, YouTube…C’est à dire des réseaux sociaux ou des plateformes de streaming considérés comme des médias honnêtes car non liés au pouvoir.  Ils montrent les violences policières, très souvent, ou les abus de pouvoir, tandis qu’on occulte celle des manifestants et des black blocks par exemple.

Ce qui conforte les convictions, sur ces médias d’occasion, c’est qu’on n’y croise que des gens qui pensent comme vous sans la moindre contradiction, sans modération, sans aucune vérification de l’info qui est supposée vraie puisque qu’elle pense comme moi.

Aux USA, le mouvement Qanon, (mouvance venue des États-Unis regroupant les promoteurs de théories du complot), ne procède pas autrement.  Et on peut dire que Donald Trump, en prenant toutes les distances avec les médias traditionnels accusés de Fake news, au seul profit de Twitter, a largement attisé cette défiance vis à vis de l’establishment. Plus besoin de journaux puisque je vous livre ma vérité, LA vérité sans intermédiaire.

La pandémie a considérablement amplifié cette détestation des pouvoirs dont celui des médias.

Il y avait d’ailleurs les mêmes mouvements sceptiques et libertaires en 1348 lors de la Grande Peste (Boccace en parle dans le Décaméron), en 1760.  Également en 1918 où l’on parlait de Péril Jaune concocté par les chinois pour envahir le monde ! C’est typique lors des épidémies ou des catastrophes, le bon peuple cherche toujours des boucs émissaires. À Lisbonne après un tremblement de terre, au XVIIIe siècle, on a brûlé des dizaines de juifs, et surtout les commerçants, les usuriers et les banquiers.

Voltaire évoque cet épisode dans Candide.

Et en Suisse lors de la peste de 1760 on a pendu des milliers de chats, comme en Angleterre en 1550…Ce qui entraîna la prolifération des rats et une multiplication du fléau !

Après la crise de 1929, Hitler a utilisé la même stratégie en désignant les ennemis qui ont ruiné et affamé le peuple. Les riches juifs, les francs-maçons, les communistes et le pouvoir en place.

Un mensonge répété 10 fois reste un mensonge, et répété dix mille fois, il devient une vérité.

C’est une loi de propagande souvent attribuée au nazi Joseph Goebbels [en fait, la citation est d’Hitler].Et c’est exactement sur cette base que fonctionne le film Hold up. Vous mettez bout à bout des dizaines d’infos non vérifiées, des témoignages orientés, des titres ronflants, une musique tragique, des citations soigneusement détournées de leur sens et le tour est joué.

Allez voir ce que dit Philippe Douste Blazy, ex-ministre de la santé, et comment sont sortis ses propos de leur contexte de façon à en détourner le sens. Hold up dure dure dure pendant plus de 2 heures.

Hold up sa longue durée  cautionnerait elle la qualité ?

Et comme tout le monde a envie de trouver des responsables, des coupables, au malheur collectif, vous y croyez dur comme fer ! Le pire c’est que même les plus raisonnables, les plus rationnels, les plus réfléchis d’entre nous, peuvent se laisser convaincre parce qu’ils ont l’impression qu’on leur dit enfin ce qu’ils veulent entendre.

« Que la pandémie n’est pas une fatalité contre laquelle nous sommes bien vulnérables ».

Dans Hold up on vous dit que c’est en fait une manipulation occulte à l’échelle mondiale, que tout est monté de toutes pièces :

  • par des industriels cupides, évidemment Chinois (pour nous bâillonner avec des masques made in China),
  • par des labos plus cupides encore (pour les vaccins),
  • par Amazon (complice de tous les mauvais coups par appât du gain),
  • par un pouvoir machiavélique,
  • un président qu’on qualifie au mieux d’incompétent et au pire de tyran aveugle contemplant son œuvre comme Néron contemplait l’incendie de Rome.

Récemment, une équipe dirigée par Lisa Fazio de l’Université Vanderbilt a entrepris de tester comment l’effet d’illusion de vérité interagit avec nos connaissances antérieures.

 

Les mensonges répétés affectent-il nos connaissances préexistantes ? L’équipe a utilisé des énoncés vrais et faux appariés, mais elle a également réparti ses questions en fonction des connaissances présumées des participants (ainsi, « L’océan Pacifique est le plus grand océan de la Terre » est un exemple d’affirmation « connue », qui se trouve également être vraie, et « L’océan Atlantique est le plus grand océan de la Terre » est une affirmation fausse que, connaissant la bonne réponse, les gens allaient probablement reconnaître pour telle). Or, leurs résultats montrent que l’effet d’illusion de vérité fonctionne aussi bien pour les affirmations « connues » que pour les affirmations « inconnues », ce qui suggère que les connaissances préalables n’empêchent pas la répétition d’influencer nos jugements. Par Tom Stafford ( analyze parue sur Mind Hacks sous le titre How liars create the illusion of truth ).  

 Si je ne cesse de vous répéter que la terre est plate, si tout le monde le répète autour de vous, si vous voyez mille photos et vidéos sur le net qui le prouvent, vous finirez peu à peu par douter puisque de toute façon la terre en ce moment ne tourne pas très rond.

Et finalement, si un Donald Trump ou un Professeur Raoult plein de conviction et d’assurance, vous l’assure, vous vous laisserez sans doute convaincre.

En donnant un côté viral de masse à une œuvre de fiction scénarisée, sur un virus, et bien vous en faites une sorte de documentaire-choc.  Il sera objectivement acceptable parce que vous avez envie qu’il le soit. Et chaque roue qui s’ajoute au vélo vous donne l’impression d’avancer plus vite et plus haut sur le chemin d’une Vérité qui vous réjouit parce qu’elle désigne des coupables humains alors qu’un virus est un criminel microscopique qui vous échappe !

BC