Le « A » d’Ehpad signifie-t-il vraiment âgées ou ne faut-il pas y voir plutôt le « A » d’abandonner ?

La crise sanitaire que le pays traverse depuis plus de six mois maintenant a mis en lumière le quotidien morbide que subissent nos anciens, qui, hélas, n’ont guère d’autres choix que de terminer leur vie dans ces maisons de retraite trop souvent synonymes de mouroirs.

Les chiffres de mortalité dans les Ehpad tombaient jour après jour au printemps dernier et affolaient les populations sans que le scandale d’état qu’ils laissaient entrevoir ne bouscule véritablement la société française.

Pourtant, il semble que cela interpelle et scandalise de plus en plus de monde.

Enfin.

En 2003, au moment de la canicule qui emporta 15 000 personnes âgées en France, c’est leur grande solitude que l’on pointa.

Cette fois-ci, alors que la moitié des décès provoqués par la Covid-19 concerne les personnes âgées, c’est le système même des Ehpad qui est mis en cause, du moins, interrogé.

Les Ehpad, ces établissements froids, bétonnés, où nos vieux sont parqués dans une chambre pour des prix prohibitifs par mois, ne leur assurent pas la dignité et la douceur qu’ils méritent après une vie de labeur.

Faites un sondage autour de vous !

Questionnez les anciens, aucun ne vous répondra avec enthousiasme « Oui, je rêve d’aller vivre dans un Ehpad». Et les raisons sont évidentes, ils préfèrent rester chez eux.

Or, la plupart du temps, ce sont les familles qui prennent la décision, faute de meilleure option.

Elles se retrouvent alors devant un choix cornélien.

Le placement de leurs parents ou leurs proches, souvent malades et dépendants, en résidence. Un choix synonyme d’exposition à d’autres dangers, comme le nouveau coronavirus. Comme la solitude ou l’isolement. Comme parfois la maltraitance.

Cette génération silencieuse, celle de nos aînés, est finalement apparue au moment du la crise sanitaire. Le cri assourdissant de nos anciens en difficulté ne cesse encore aujourd’hui de résonner à nos oreilles et à nos consciences.

Notre société contemporaine !

Celle-ci a développé l’individualisme, la réussite sociale et professionnelle. Nous courons après le temps. Les voyages. La consommation excessive, oubliant finalement de passer un temps plus lent mais nécessaire avec nos parents, nos grands-parents.

Fini le temps où les vieux vivaient avec leurs familles ou à proximité.

Où on leur rendait visite régulièrement, pour partager un café ou un thé, quelques biscuits et leur raconter des anecdotes leur changeant les idées. Les voilà qui se retrouvent, pour finir leurs jours, affreuse expression s’il en est, dans des lieux qui sont un véritable non-sens gérontologique. Or, le but de la gérontologie est de permettre que le vieillissement se passe dans de bonnes conditions de santé.

Cette science repose sur deux principes de base :

  • l’autonomie,
  • l’activité.

En Ehpad, vous perdez pratiquement toute autonomie, au point que ces structures en deviennent des prophéties autodestructrices. Elles favorisent ce qu’elles devraient précisément éviter, la dépendance, la maladie, l’abandon.

Le biologique l’emporte sur l’éthique et les conséquences sont dévastatrices.

Cette image que ces lieux renvoient à la société, en isolant les plus âgés d’entre nous, dit tant de notre malaise face au vieillissement, à la maladie et à la mort. Il n’est cependant pas acceptable, dans un pays civilisé de favoriser cette ségrégation générationnelle.

Non, vieillir n’est pas synonyme de décrépitude.

C’est un mécanisme naturel de la vie. Et à ce titre, nous devons au grand âge et aux personnes dépendantes dignité, respect et soin. Enfin, les soins aux personnes âgées coûtent énormément dargent. Or, mieux vaut investir le peu de moyens dont nous disposons dans l’humain que dans la pierre. C’est-à-dire dans le développement de soins ambulatoires plutôt que dans des structures résidentielles d’un autre temps. Les frais occasionnés par les séjours en Ehpad peuvent être considérés comme des captations d’héritage.

Déplaçons le curseur vers le préventif et l’ambulatoire.

Formons des soignants, payons-les à leur juste valeur. Faisons part de notre reconnaissance à l’égard de ces gens qui sont les véritables héros du quotidien. Nos aînés ont droit à tous nos égards. A tous nos efforts et tous les moyens.

La crise sanitaire, si elle fut dramatique pour les plus fragiles d’entre nous, a aussi montré que nous ne pouvons plus collectivement attendre en regardant ailleurs.

C’est pourquoi :

Une proposition de loi visant à mieux protéger et représenter les résidents de ces établissements a été déposée à l’Assemblée nationale depuis quelques mois grâce à l ‘association SDS.

Aidons nos personnes âgées à finir leurs jours dans la dignité, car nous serons les résidents des Ehpad !

Photo : Veronique Larue