Avocat depuis quelques décennies, au point qu’un jeune confrère voulait me laisser sa place assise, il me vient l’envie, toute robe enfilée et avant le putatif gigot pascal de livrer quelques considérations persifleuses.
D’abord, de rappeler que les avocats sont dans le monde concurrentiel avec 40 % de professionnels en plus depuis 10 ans, qu’ils subissent réformes sur réformes, toutes visant à leur donner des obligations en plus en matière de délai ou autre, sans que jamais il n’en soit de même pour le juge, ce qui est significatif.
Ensuite de dire, malgré les glapissements des panurgiens de tout poil que la question posée aujourd’hui est celle de savoir si l’on peut bien juger dans des secteurs qui touchent à la vie quotidienne sans contact humain, sans oralité.
C’est comme, pardon, baiser sur internet.
Dire que la démocratie est en repli et que tout ce qui diminue le secteur d’activité des juges ou affaiblit les trublions avocats l’altère.
Mais, mais.
Ne nous trompons pas d’adversaire.
L’adversaire, car il est, n’est pas tant le politique, de Sarkozy à Macron, de Dati à Belloubet.
Le politique, de plus ou moins de talent, passe.
L’adversaire c’est cette hydre étrange qui reste, pouvoir après pouvoir, et qui, toujours, ressort les même projets, conçus de la même manière, avec le plus grand des conformisme et la plus sûre arrogance intellectuelle.
Cette classe qui a remplacé l’antique aristocratie avec les mêmes privilèges, les mêmes réflexes hors du temps, la même myopie : la haute fonction publique.
En matière de justice elle active deux régiments ; les hommes de Bercy qui ne savent que trancher les budgets (sauf le leur) et les hommes de Vendôme, ces hauts magistrats qui n’ont plus tenu une audience depuis l’an pèbre et qui conçoivent les réformes de procédure par exemple.
Archaïque, vieilles, inapplicables, punitives.
Visant à dégoûter le justiciable pour que le juge n’ait à juger que l’important tout à l’admiration de sa propre réussite de carrière.
Cette conception est à l’inverse d’une conception démocratique qui voudrait que le juge indépendant, gardien des libertés cherche à être le plus présent possible.
Mais quand l’élite prétendue d’un pays est administrative, elle ne philosophe plus, elle administre, toute à son admiration d’elle-même.
Alors le politique passera, elle restera, elle a le temps.
Et le peuple, de toute façon, défilera ; celui de gauche maudira la droite, celui de droite la gauche…
Elle s’en fiche, elle a le temps.
Ou peut-être pas, d’ailleurs, avant le populisme au pouvoir.
Mais amis avocats, nos adversaires, ce sont aussi les Premiers Présidents.
Et chez nous tous ceux qui, élus, croient avoir reçu l’onction divine et passent de l’autre cöté de la force.
Vous savez quoi : la révolution a peut-être été un leurre…

Maître Jean DE VALON