Il existe des monstres sacrés…

L’histoire se souvient d’eux comme s’ils étaient une légende.

Le visage de Victor Hugo et ses misérables, ou celui d’un Jean Gabin avec sa fameuse réplique « t’as d’beaux yeux, tu sais ». La main experte de Leonard de Vinci et sa Joconde, ou encore Jean Jaurès fondateur du parti socialiste. La réflexion de Claude Lévi-Strauss influenceur majeur sur les sciences humaines et sociales, et Simone Veil qui a tant changé la vie des femmes, ou encore la voix inégalable de Maria callas.et bien d’autres encore.

Leurs facettes sont si multiples qu’il est bien difficile d’en résumer l’axe principal.

Bien sûr que l’on dira que l’un est un grand écrivain ou acteur ou artiste ou homme politique, anthropologue mais quand on aura dit tout cela, est-ce que l’on aura donné l’explication de la légende ?

Non le mystère restera entier !

Essayons de soulever doucement le voile sur celui en droit environnemental qui parle de la nature et du droit à l’oreille, Maître Christian Huglo.

Christian Huglo encastré dans un fauteuil qui semble l’aider à la réflexion, un sourire bienveillant traversant une barbe blondie.

Christian Huglo se penche vers vous et d’un regard bleu océan pose la réponse muette à la question comment devient-on avocat dans cette spécialité ?

En le regardant c’est évident ! Christian Huglo est une nature libre, forte, pensante (bien) qui est partie sur son drakkar.

Alors quittant son  cabinet d’avocats de Paris à la découverte de pans juridiques non explorés dont il a fait des évidences et des bases pour l’avenir.

On dit que les français ont beaucoup de défauts mais autant d’imagination !

Sans contexte ce français-là a créé une logique originale nouvelle et avant-gardiste dont tout le monde ne sait pas encore jusqu’où elle pourra aller.

Christian Huglo a la chance d’avoir une équipe de collaborateurs convaincus pour l’aider. Cette formidable équipe orchestrée par l’ancienne Ministre de l’environnement son épouse Corinne Lepage.

Notre civilisation a intégré un virage humain qui la dépasse et qui est le risque climatique, ses énigmes et sa profondeur.

Le droit peut-il en délimiter les contours universels grâce à la pratique et la recherche de celui qui est un pioner français dont il suffit de citer le nom des dossiers défendus pour mesurer l’évolution que chacune de ses affaires a apporté aux droits de tous.

Comme la déclaration universelle des droits de l’humanité et les devoirs que nous avons à défendre notre vie pour nos enfants. Il est également à l’origine des premiers cours du droit environnemental.

Mais c’est aussi plus de 40 dossiers défendus comme :

  • L’Amoco Cadiz

Le 16 mars 1978, l’AMOCO CADIZ, pétrolier libérien de 220 000 tonnes en route vers le port de Rotterdam s’échoue et perd sa cargaison de pétrole brut sur les côtes de la Bretagne Nord, à Portsall.

Les faits ont démontré que les causes du naufrage étaient dues à la fois à la mauvaise conception, et surtout au mauvais entretien de l’appareil à gouverner. S’en suit une marée noire gigantesque étendue sur plus de 400 kilomètres de côtes.  Les dommages écologiques sont sans précèdent.

  • Tchernobyl

Le 26 avril 1986, l’un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) explose. En quelques jours, les éléments radioactifs rejetés dans l’atmosphère contaminent une bonne partie de l’Europe sans que toutes les précautions puissent être prises.

En effet, les autorités soviétiques attendront 48 heures pour reconnaître l’accident. Plus de 100 000 personnes vivant dans un rayon de trente kilomètres autour de la centrale de Tchernobyl sont évacuées.  Une catastrophe d’une telle ampleur qu’aujourd’hui encore on ne peut connaitre les chiffres exacts des victimes qui ont été contaminées par les ondes radioactives à distance et à long terme.

  • La saga du pont de l’île de Ré

Réaliser un pont entre la Rochelle et l’île de Ré pour permettre de développer un tourisme de masse et d’attirer davantage de résidents secondaires telles étaient les volontés des instigateurs de ce projet. L’intervention médiatisée du Commandant Cousteau a été très puissante.

Ainsi, pour mobiliser l’opinion publique, celui-ci n’a pas hésité à inviter la presse sur les quais de Seine.  Truelle et ciment à la main il pose quelques briques destinées à construire un pont sur la Seine. Ainsi il a immortalisé son intervention puisque la construction d’un pont n’était soumise à aucune autorisation…

Mais, l’affaire du pont de l’île de Ré ne devait pas s’arrêter là. En effet, Michel Polac décida de consacrer une émission de droit de réponse à cette affaire. Cette émission devait être sa dernière.

Sur le plateau pour la première fois de l’histoire de la télévision française, la question de la corruption était ouvertement abordée.  Certains élus étant accusés d’avoir touché des pots-de-vin.  Donc pour Maitre Huglo quand vous entamez un procès il faut le gagner !

Avant d’écouter son parcours et d’en connaitre un peu plus sur ses gouts personnels, posons-nous juste cette question !

Il y a-t-il une justice climatique ? 

Si oui, quel avocat doit la défendre et quelle juridiction doit la protéger et quel lanceur d’alerte doit être concerné ?

Un homme Christian Huglo le fait depuis plus de 60 ans.

Christian Huglo livre exclusivement aux lecteurs de lautremag.news quelques sentiments inédits sur son parcours incroyable !

Au début …

Christian Huglo est né à Châteaubriant et il a 78 ans, aujourd’hui. Il est le dernier d’une famille de 11 enfants, 7 frères et 3 sœurs. Des parents industriels, fabricants d’aspirateurs.

Dans cette famille, on est de père en fils soit industriel soit moine soit curé.

C’est à l’âge de 16 ans qu’il va se retrouver seul et la passion pour la philosophie va l’aider à surmonter la mort de son père.

Christian Huglo va faire des études de droit dans la ville de Strasbourg. Une Ville merveilleuse pour les étudiants. Mais c’est aussi la ville où se trouve le siège du Conseil de l’Europe et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.  Christian Huglo va devenir secrétaire stagiaire dans les années 1960 là-bas. C’est   cette tranche de vie  qui déterminera sa vocation et sa passion pour le droit.

Petites anecdotes le concernant 

  • C’est lors de son entretien pour sa candidature au poste de stagiaire au près de la cour européenne des droits de l’homme, que le Président du jury alors Ministre de la justice du Luxembourg l’ayant vu se promener la pipe à la main lui dira.  – vous fumez la pipe ?  Christian Huglo lui répondra oui Monsieur le Président !  Et le Président « vous fumez la pipe, vous êtes fortement sympatique, allez je vous prends!».
  • Et c’est également durant un rendez-vous professionnel, Rue de Madrid à Paris 8 eme, avec un brillant avocat qui veut absolument travailler avec Christian Huglo que son avenir va se dessiner. Lorsqu’il va lui demander où il habite et qu’il lui répondra dans le 14eme. Il lui dira que s’il veut réussir il faut être dans le 8 eme.  Et qu’il est prêt à lui fournir un appartement pendant 6 mois gratuitement pour qu’il puisse travailler avec lui sereinement.  Ainsi être à la hauteur de son avenir prometteur.

Le facteur chance est important dans la vie, la preuve encore.

Monsieur Christian Huglo sort du moule habituel d’une famille nombreuse où on reste ensemble.  Christian  quitte la ville d’Amiens où ils habitent alors pour venir vivre à Paris en 1963. Il se marie très tôt, et aura 2 filles, Nathalie et Delphine.

Sa rencontre avec Corinne Lepage est professionnelle au départ.

Ils travaillent ensemble dans le meme cabinet d’avocats, sur un dossier d’une autre grande catastrophe écologique causée par Total, le naufrage de l’Erika.

Et c’est lors du diner des anciens où ils vont etre assis  côte à côte que tout va commencer. D’un coup, Corinne et Christian se sentent comme s’ils etaient seuls au monde.  Ils s’émerveillent de leur découverte mutuelle et ne vont plus se quitter. Ensemble ils ont un enfant, Benjamin. Corinne, de son côté à une fille.

Pour eux la chose la plus importante est de réunir tous ces enfants et de rassembler des familles qui a priori pouvaient être considérées comme dispersées.

Pour lui de toutes façons et dans tous les cas de figure, sa rencontre avec Corinne Lepage est exceptionnelle. Tout comme au premier jour, leur relation continue à les émerveiller et à les surprendre encore.

Que savons-nous de ses passions ?

Un homme aux goûts extrêmement clairs et précis.  Ils touchent d’un côté la philosophie, et de l’autre la théologie. Christian a eu la chance d’avoir comme professeur de philosophie un des assistants du Père de Lubac (jésuite, théologien catholique et cardinal français.).

il va l’initier à Mircea Eliade, Teilhard de Chardin, Nietzche.  Cela le conduit à suivre les cours en auditeur libre de Gusdorf à la faculté de théologie de Strasbourg. Mais il faut savoir qu’il suivra en parallèle ses études de droit.  Ce qui ne lui a jamais posé de probleme particulier tant sa soif de connaissance était grande et insatiable.

Un goût très prononcé pour la musique dès son plus jeune âge, sa famille etant très musicienne. Un frère ainé Michel Huglo véritable sommité de la musique Grégorienne.  Certains jouent de l’orgue mais tous chantent.

Il se met au clavecin à l’âge de 20ans, s’arrêtera plusieurs fois et quelques reprises notamment récemment. Pour Christian la musique est une excellente école de modestie et d’humilité car la grande musique ne supporte pas la médiocrité.

Le livre préféré :

S’agissant de ses lectures, c’est surtout la philosophie contemporaine, et tout ce qui touche autour de la philosophie de l’environnement. Il donne en exemple Olivier Rey, Dominique Bourg, Corinne Pelluchon.  Son livre de base étant « Les fables de la Fontaine ».

Son film préféré :

Les films de Bergman en général. De Persona, ou Le septième sceau à La honte et le Silence et bien d’autres chefs-d’œuvre pour l’époque.

Son peintre favori :

Christian n’est pas un fanatique de peinture mais il choisit Vincent Van Gogh.

La personnalité :

Il a eu la chance de rencontrer des gens exceptionnels comme le grand éditeur José Corti qui éditait Gracq, Bachelard, et les préromantiques. Il recommande pour les romantiques l’ouvrage qu’il a publié « L’âme romantique et le rêve » d’Albert Beguin.

Le Doyen Georges Vedel, une personnalité hors du commun qui l’a beaucoup influencé, et l’a considérablement aidé dans sa vie professionnelle.

Celui-ci l’ayant accompagné lors du procès de Chicago dans l’affaire de l’Amoco Cadiz. Tous les juristes vous diront que cet homme était le plus brillant de sa génération.

L’artiste :

Parmi les artistes évidemment il y a les musiciens et notamment son professeur de musique Mario Raskin, disciple de Raphael Puyana et de bien d’autres.

La table :

La cuisine exotique chinoise, vietnamienne, cambodgienne sont pour lui des finesses mais la cuisine française reste un summum.

Le lieu :

Celui où nous allons en été avec mon épouse dans le Gard.

Qu’est-ce qui faisait rêver Christian Huglo enfant ?

Pour l’enfant qu’il était c’était la musique classique qui l’enchantait, la découverte de Bach et Mozart grâce aux 78 tours et aux 33 tours. Mais cela va de soi, comme tous les garçons de 10 ou 12 ans il voulait être pilote d’essais.

A quel moment avez-vous décidé de vous lancer dans l’aventure défendre le droit de l’environnement ?

Christian Huglo comprend très vite en étant collaborateur d’avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation que le droit représentait une puissance.  Il va suivre de très près le droit public.  Or, en 1968, année où Christian Huglo prête serment, tous ses confrères ignorent le droit public et le droit administratif.  Alors il va s’en faire une spécialité, étant soutenu par de grands avocats.

Ils le prennent sous leur aile, le défendent et l’aident dans le développement de sa carrière.

Il cite Maitre Jean-Louis Lachaud et Maitre Jean-Marie Michaux.

Son choix pour le droit de l’environnement, il dira que c’est l’affaire qui spécialise l’avocat !  Il va se plonger avec des avocats corses, en particulier, Philippe Raccat, dans l’affaire Montedison.

Un dossier sur l’intense pollution de la mer par la société Montedison dans l’affaire dite des « boues rouges » qui a donné lieu à des procès retentissants à Livourne d’abord et à Bastia ensuite.

Ce procès est extrêmement important parce qu’il approuve le pouvoir du juge sur la mer internationale et donc son environnement.  La démonstration a pu être faite du dommage écologique causé à la mer. C’est pour lui le mariage entre la science et le droit.  C’est une nouvelle inter discipline passionnante qu’il a toujours voulu développer à travers :

  • la Rocade de la Baule,
  • l’étude d’impact écologique,
  • la pollution du Rhin, procès qui a duré 30 ans pour les Hollandais contre les Mines de Potasse d’Alsace à chaque fois pour faire la preuve d’une pollution,
  • travailler avec les scientifiques.

Peut-être que cette idée que l’on peut faire un peu changer le droit pas la jurisprudence, est ce qu’ils continuent à faire avec Corinne Lepage dans l’état actuel des choses.

Son point de vue sur la situation politique actuelle en France :

Son analyse de la situation politique du point de vue où il se place, est tout à fait désastreuse. Il y a un énorme fossé qui s’est creusé entre le pouvoir et l’autorité.

L’autorité semble avoir quitté le pouvoir et le pouvoir n’est pas à la hauteur des grands enjeux de notre société et pas seulement qu’en France.  Il a confiance dans la société civile et il poursuit son engagement en soutenant diverses actions en justice pour la justice climatique. Il est certain que cela fera avancer le droit malgré le retard et la mauvaise volonté des Etats.

Racontez-nous un peu une journée type d’un grand avocat défenseur de l’environnement ?

La profession d’avocat est effectivement de travailler la doctrine, travailler la jurisprudence.  Christian Huglo dirige des revues et des ouvrages scientifiques, ce qui est une grande partie de son activité.

Il travaille avec ses collaborateurs qui suivent les dossiers de près. Sa matinée est consacrée à l’étude, la publication de nombreux articles. Puis l’après-midi se passe avec son équipe au bureau et avec le service de documentation. Des journées bien pleines pour ce faux retraité.

Comment voyez-vous l’avenir de la France avec le commerce ?

L’avenir de la France avec le commerce est une chose assez délicate puisque la mondialisation a reçu un coup d’arrêt.  Christian Huglo se range à la même position que celle du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’Etat.

Cette position est de dire qu’effectivement le commerce n’est pas supérieur à la protection de la vie. C’est ce que Christian pense profondément. Celui-ci travaille actuellement sur un ouvrage qui s’intitule « Liberté et responsabilité face à la Covid 19 et au réchauffement climatique ».

S’agissant du droit européen, les juridictions européennes sont les leaders en matière de développement des grands principes de l’environnement.  Ce qui est salvateur c’est actuellement en France on doit considérer qu’il y a une régression très importante en droit de l’environnement.

La nouvelle loi Action publique, projet du Gouvernement de permettre des dérogations au droit de l’environnement, est une véritable catastrophe mais heureusement que l’Europe est là, dira-t-il.

Son plus bel engagement ?

Cela a été évidemment l’engagement pour le procès de l’Amoco Cadiz qu’il a entièrement mis en place.  Il a rassemblé toutes les victimes, personnes publiques et personnes privées.

Il a dû alors abandonner la politique puisque tres impliqué et mêlé de près à la déclaration du mouvement écologique dans les années 1976.  il a dû choisir entre la procédure, le droit et la politique. Tenant absolument à faire condamner les multinationales responsables des pollutions marines, et cela ne peut aboutir que si vous vous consacrer à cette cause 24H sur 24 H.

Pour lui, la politique n’est pas le pire engagement de l’homme. C’est une chose très importante et elle devrait l’être si les hommes qui la pratiquent étaient à la hauteur, et pour lui c’est rarissime.

Comment vit-on d’être le mari de l’Ex-Ministre de l’environnement Madame Corinne Lepage ?

Tout d’abord, Christian Huglo rappelle une chose « ancien ministre » c’est mieux que ministre.  Cela dure beaucoup plus longtemps et donc, par conséquent, c’est une chose à laquelle il s’est habitué.

Il y a entre eux une sorte de partage du travail. Il a choisi de rester dans le droit et dans la procédure plutôt que la politique. Son épouse, Corinne Lepage étant capable de faire les deux à la fois n’a pas hésité à aller dans cette direction. Lorsque Corinne a été nommée ministre il a ressenti de façon indirecte toute l’importance de la responsabilité d’un tel poste.

Leur vie ne pouvant pas être tout à fait la même ayant conscience de cette grande fonction et de la discrétion qui doit l’accompagner.

Le mot de la fin ?

Tout d’abord, il dira comme Flaubert que « toute conclusion est bêtise ».

Pour les nombreux lecteurs qui suivent lautremag. news, la curiosité de lire les lignes qui précèdent, la seule chose qui est importante ce n’est pas ce que l’on dit, c’est que l’on fait.

Ce n’est pas ce que je suis c’est ce que j’ai essayé de faire. Mettre en avant le droit de l’environnement, faire le commentaire des codes de l’environnement, de justice administrative, diriger les collections de droit, s’occuper des étudiants, déclencher des vocations sont les choses les plus importantes dans notre période trouble.

Ce qui est délicat c’est la transmission et la transmission suppose de relier le passé et l’avenir. Dans mes réflexions récentes je crois que nous avons face aux grands défis qui nous attendent toutes les ressources utiles grâce à notre passé pour faire face.

La principale ressource étant celle du sentiment de la dignité humaine qui ne peut en aucune façon abandonner l’espérance, il faut que les écologistes ne soient pas dogmatiques, la seule exaltation de l’écologie ne suffit et c’est un thermomètre redoutable si une limite est dépassée nous y passerons tous.

C’est pourquoi il faut lutter, espérer, continuer à agir, désespérer, remonter en faisant attention aux autres et en les entrainant par conviction et fraternité et je les remercie de leur attention.

Avec la même simplicité que Christian Huglo nous a accueilli dans sa demeure en famille près d’Uzès, il nous offre une belle citation :  « c’est lorsque l’on connait ses limites qu’on peut les dépasser».